dimanche 21 septembre 2008

Education psycho-corporelle ILLUSTRATIONS

Exemples illustrant une éducation à la conscience du corps
Voici brièvement décrits deux exemples qui montreront clairement
ce qu’apporte de spécifique
cette éducation à la conscience du corps.


Daniel, 3 ans ½, un enfant « hyper actif ».
La maman de Daniel est vraiment très inquiète lorsqu’elle m’amène son fils pour prendre conseil. Elle le fait de son propre chef avec une intuitive conviction car elle me dit avoir eu dans son entourage l’exemple d’un enfant de 8 ans qui, au même âge, avait exactement le même comportement, ce dont personne ne s’est préoccupé. Et maintenant c’est la galère.
Elle me décrit alors son fils comme un enfant très nerveux qu’il est difficile de faire obéir . Il s’est déjà sauvé. Il a beaucoup de mal à s’endormir. Il a également tendance à bégayer.
Les traits du visage de Daniel sont doux et je pressens en lui un enfant fondamentalement tendre. Pourtant il est effectivement très instable, imprévisible dans ses réactions, pouvant même avoir des réactions violentes. Il s’intéresse très peu de temps aux choses, et c’est surtout pour les sortir ou les jeter. Je remarque que, alors qu’il ne sait ni dénombrer ni repérer dans l’espace, il sait entrer dans le rythme d’une musique. Il ne sait pas répondre aux questions que je lui pose bien qu’il connaisse la réponse … qu’il me transmettra d’une autre façon par la suite …
comme s’il y avait une communication qui ne passait pas,
qu’il ne comprenait pas sous cette forme de relation qui questionne.
Ses gestes de manipulation sont maladroits et voire même brutaux.

Quelques séances durant lesquelles nous développons sa conscience du corps. Et pour commencer, ceci systématiquement à chaque séance, la rotation de la conscience du Yoga Nidra. Je dois pour cet enfant accompagner la désignation successive des parties de son corps en posant ma main sur ces parties afin de le rassurer de mon contact : ce travail de mentalisation les yeux fermés serait pour lui trop angoissant puisqu’il n’a encore aucune image mentale. Cela le mettrait en face d’un vide !
Ce travail sera suivi de jeux de manipulation (le mécano entre autres, jeu pour lequel il montre un réel intérêt, de la ténacité ainsi qu’un sens pratique du geste, même s’il s’y montre réellement très malhabile au début).
Et voilà qu’en peu de séances Daniel se calme, s’endort plus facilement le soir. Il est confiant, échange avec l’adulte en compagnie de qui il aime réaliser ces objets.
Parfaite introduction au langage et aux opérations d’abstraction.



Benoît 9 ans, une maladie rare avec microcéphalie
Benoît est un bel enfant doux, au regard intelligent, clair et rieur. Rien au tout premier contact ne laisse supposer qu’il soit affecté d’un déficit gravissime - le syndrome de Spengler et Goldberg ou microcéphalie.
Anamnèse accablante beaucoup de fonctions chez lui sont atteintes. J’apprends que depuis sa naissance Benoît a dû subir un nombre non négligeables d’interventions, chirurgicales et (ou) de rééducation pour pouvoir vivre, se nourrir (il est nourri par le ventre aujourd’hui), marcher et participer à la vie. Mais aujourd’hui, à 9 ans et après trois ans d’éducation au langage, il n’accède toujours pas à la parole ni aux fonctions mentales. L’orthophoniste a tenté de le faire communiquer à partir d’un cahier personnel où figurent quelques photos, photos de ses parents et de sa famille proche, ainsi que quelques éléments qui constituent des repères pour lui : voiture de papa, de maman, chat, chien, et puis deux expressions émotives - aimer et être en colère – tentent de l’impliquer personnellement dans les échanges. Avec cet outil présymbolique, il est parvenu quelque peu à communiquer avec ses parents, mais il n’en reste pas moins qu’il ne sait ni imiter un geste ni répéter ou émettre volontairement un son.
La maman me dit que son âge mental a été évalué à 9 mois.
Il dispose de l’intelligence du cœur
et comprend émotionnellement les situations de la vie courante
mais il n’a pas du tout accès aux fonctions mentales :
symbolique de la pensée et de l’abstraction.
C’est un jeune enfant très attachant, affectueux et de commerce très agréable. Il aime appeler l’attention de l’autre et la garder par des gestes répétitifs ou par des rires légers, sans jamais être pesant ou ennuyeux. Il ne sait pas s’occuper à jouer ou à manipuler, il n’a aucun intérêt pour les objets qui n’ont aucune valeur pour lui – excepté peut-être ses lunettes, à minima pourtant. De plus, il ne se contrôle pas au niveau de la propreté.
Son regard lumineux et vif m’incite à tenter d’essayer de l’amener à la parole en jouant la carte d’une stimulation intense et variée. Ce sera une fois par semaine pendant 1 heure, il n’est pas possible pour le moment de caler une autre séance.
Cette stimulation sera faite régulièrement et de façon analogue à chaque séance.
Elle porte sur les points suivants :
• découverte de gestuelles (sauter sur 1 pied, puis sur l’autre, puis de façon alternée, marcher à genoux, marcher à 4 pattes, écarter les bras, les mettre en rond, etc…). Il me faut lui mettre ses membres en position et les maintenir, tout en verbalisant.
• accompagner un rythme chanté en se balançant, (idem, je dois l’entraîner avec moi, cela fait partie du jeu)
• construire une maison avec des blocs de Duplo, ou bien une voiture en Meccano (il comprend le geste de visser) avec laquelle nous jouerons ensemble ensuite.
• essayer de lui faire comprendre de répéter un son, en lui faisant sentir les vibrations produites sur le nez et sur la gorge et en mettant sa bouche en position.

J’escompte sur un cadrage strict, sur l’exigence d’une exactitude de réalisation, sur une intense participation mutuelle, et sur l’existence d’aucun répit durant cette heure.
Notre travail le fait énormément rire, il est à la fois très présent et très excité dans la relation. Ce jeu corporel le met en joie, il y prend beaucoup de plaisir. Sa maman me dit qu’aussitôt rentré chez lui, et durant toute la soirée, il émet les sons qu’il n’a pas su sortir avec moi, et qu’il s’enferme dans sa chambre (chose qu’il n’a jamais faite jusque là) pour sortir les jouets dont il ne se sert plus depuis longtemps.
J’ajoute très vite à nos exercices un travail de mentalisation : les yeux bandés je lui fais toucher, palper des objets de forme très différente, que je repasse plusieurs fois en les nommant. Puis retirant son bandeau, je lui fais voir en lui faisant à nouveau palper tandis que je les nomme encore.

Je constate petit à petit que sa façon d’être au monde évolue. Alors qu’il était tout en extraversion et en dispersion, une intériorité semble se faire, avec un temps de pose interrogative. Il est plus calme, plus attentif à ce que nous faisons, comme s’il commençait à trouver en lui un temps ou un espace de réflexion. J’ai beaucoup moins de peine à lui faire faire des gestes précis, à poser les briques de Duplo (ou autre jeu) avec lui. Il s’y prête, et nous devons maintenant coordonner vision et motricité fine.
Sa maman constate des progrès constants, chaque semaine elle m’apporte des éléments témoignant du développement de la conscience qu’il a de lui-même. Ainsi par exemple trois mois après les éducatrices lui rapportent qu’il cherche maintenant à se faire comprendre.
- Il devient propre.
- Six mois plus tard il est beaucoup plus stable sur ses jambes et parvient à courir sur une pente qui descend.
- Il commence à imiter les gestes et notamment à reproduire différents pas de danse.
- Parallèlement son langage progresse et il commence à comprendre sinon ce qu’on lui demande, du moins que l’on attend quelque chose de lui et il entre dans cette communication en cherchant à comprendre.
- Il désigne sur un catalogue certains objets que l’on nomme. A partir de la photo publicitaire d’une montre sur un catalogue, il désigne du doigt les montres que chacun de nous porte au bras.
Il ne parvient pas à émettre volontairement des sons ou des mots, mais on peut repérer certaines émissions vocales qui ressemblent à des mots, sortes de préformes au langage.

Un an après, au moment de Noël,
sa maman m’annonce avec bonheur
que c’est au niveau des 4 ans qu’elle choisit les jouets !

• nous progressons toujours dans un travail de plus en plus précis et de coordination psychomotrice, par exemple lancer une balle dans une boîte (ce qui suppose en plus, cette fois, de lâcher l’objet au bon moment). Nous continuons assidûment la conscience de gestuelles rythmées.
• nous ajoutons également le travail précis du Yoga Nidra = construction de soi par une représentation fine et continue de son corps (il doit avoir bien compris ce qu’est une image mentale). Cela s’appuie sur une phase qui consiste à balayer mentalement les yeux bandés, toutes les parties du corps, d’abord selon un ordre longitudinal et systématique, puis de reprendre l’ensemble des parties en alternant droite/gauche. Pour cet enfant, j’accompagne ce balayage en massant légèrement chacun des segments du corps en même temps que je le nomme, ou bien en les articulant s’il s’agit d’une articulation.

- On arrête l’alimentation par le ventre, il s’alimente à la fourchette.
- Benoît commence à monter à poney, il tient bien en équilibre et sait même faire avancer l’animal en stimulant des pieds. Il brosse son poney et le câline. Il commence légèrement à comprendre comment le guider avec les rennes.
- Il sait descendre tout seul un escalier, il nage en piscine.
- Il organise et range sa chambre selon un ordre précis (qui lui appartient) : phase étonnante où il met tous ses jouets sous le tapis (il élabore la phase de la PERMANENCE de l'OBJET)!
- Il conduit à bien une activité : il peint soigneusement des boîtes en les recouvrant avec de la peinture.
Désormais, tout son entourage s'accorde pour dire
que son "état d'ETRE" a changé,
qu'il a de "l'étoffe"

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